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31 mai 2008 6 31 /05 /mai /2008 08:55
La soixantaine périlleuse d'Israël, dans le pire voisinage de la planète

par Daniel Pipes
National Post
6 mai 2008
http://fr.danielpipes.org/article/5559

Version originale anglaise: Israel's Predicament at 60: World's worst neighbourhood


Adaptation française: Alain Jean-Mairet

Deux nouveaux États identifiés par leur religion ont émergé de l'éclatement de l'Empire britannique au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale. Israël était l'un deux, bien sûr. L'autre était le Pakistan.

Ils permettent une comparaison intéressante mais rare. L'expérience du Pakistan, avec sa pauvreté largement répandue, ses troubles internes quasiment constants et ses tensions extérieures qui ont engendré son statut actuel d'état presque voyou, montre bien les dangers qu'Israël a su éviter, avec sa culture politique libérale et stable, son économie dynamique, son secteur de haute technologie florissant, sa culture vivante et son impressionnante cohésion sociale.

Mais en dépit de tout cela, l'État juif vit sous une menace à laquelle le Pakistan et la plupart des autres entités politiques ne sont jamais confrontés – celle de son élimination. Ses progrès remarquables au cours des décennies ne l'ont pas libéré d'un péril qui revêt presque toutes les formes imaginables: armes de destruction massive, attaques militaires conventionnelles, subversion intérieure, blocus économique, assaut démographique et travail de sape idéologique. Aucun autre état contemporain – et probablement aucun dans l'histoire entière – ne doit faire face à une telle série de menaces.

Les ennemis d'Israël se divisent en deux camps principaux: la gauche et les Musulmans – l'extrême-droite constituant ici un troisième élément mineur. La gauche comprend une aile acharnée (International ANSWER, Noam Chomsky) et un centre plus courtois (Assemblée générale des Nations unies, partis politiques de gauche, principaux médias, principales églises, manuels scolaires). Mais en dernière analyse, la gauche constitue moins une force en elle-même qu'un auxiliaire de l'agent antisioniste essentiel qu'est la population musulmane. Cette dernière peut à son tour être divisée en trois groupes distincts.

Premièrement, les États étrangers: les cinq armées qui ont envahi Israël dès son indépendance en mai 1948, puis les armées et les aviations et marines militaires voisines qui menèrent les guerres de 1956, 1967, 1970 et 1973. Si la menace conventionnelle a quelque peu fléchi, l'effort d'armement de l'Égypte, financé par les États-Unis, constitue un danger nouveau et les menaces d'utilisation d'armes de destruction massive (notamment par l'Iran mais aussi par la Syrie et, potentiellement, par de nombreux autres États), en constitue un autre, plus grave encore.

Deuxièmement, les Palestiniens de l'extérieur, vivant hors d'Israël. Mis sur la touche par les gouvernements de 1948 à 1967, Yasser Arafat et l'Organisation de libération de la Palestine ont saisi leur chance lors de la défaite des trois armées étatiques dans la guerre des Six Jours. Les développements ultérieurs tels que la guerre du Liban en 1982 et les accords d'Oslo en 1993 ont confirmé l'importance centrale des Palestiniens de l'extérieur. Aujourd'hui, c'est eux qui conduisent le conflit, par la violence (terrorisme, missiles lancés depuis Gaza) et, surtout, en montant l'opinion mondiale contre Israël grâce à un effort de relations publiques qui trouve un large écho parmi les Musulmans et la gauche.

Troisièmement, les citoyens musulmans d'Israël, les éléments dormants de l'équation. En 1949, ils n'étaient que 111.000, soit 9% de la population israélienne, mais en 2005, leur nombre avait été multiplié par dix pour atteindre 1.141.000, soit 16% de la population. Ils ont profité de l'ouverture d'Israël pour croître et passer de l'état de communauté docile et inactive à celui d'un groupe de pression revendicatif qui rejette toujours davantage la nature juive de l'État d'Israël, avec des conséquences très sérieuses pour l'identité future de cet état.

Si cette longue liste de dangers rend Israël différent de tous les autres États occidentaux, en le forçant à se protéger quotidiennement de ses nombreux ennemis, sa situation délicate le rend aussi étrangement similaire à d'autres pays du Moyen-Orient, soumis eux aussi à une menace d'élimination.

Le Koweït, conquis par l'Irak, a disparu de la carte entre août 1990 et février 1991, et n'aurait sans doute jamais été rétabli sans l'intervention d'une coalition dirigée par les États-Unis. Le Liban est de facto sous contrôle syrien depuis 1976 et, si les événements s'y prêtent, il pourrait se retrouver officiellement incorporé par Damas à tout moment. À l'occasion, Téhéran affirme que le Bahreïn devrait faire partie de l'Iran, comme en juillet 2007, lorsqu'un proche de l'ayatollah Ali Khamenei, le guide suprême Iranien, déclara que «le Bahreïn fait partie du territoire iranien» et que «le peuple bahreïni ne demande rien plus ardemment aujourd'hui que de voir revenir cette province (…) dans le giron de l'Iran islamique». L'existence de la Jordanie en tant qu'état indépendant a toujours été précaire, en partie parce qu'il est toujours considéré comme un artifice colonial de Winston Churchill et en partie parce que plusieurs états (Syrie, Irak, Arabie saoudite) et les Palestiniens le considèrent comme une proie légitime.

Le fait qu'Israël se retrouve en telle compagnie à cet égard a plusieurs implications. Cela permet d'abord de mettre le dilemme d'Israël en perspective: alors qu'aucun pays situé hors du Moyen-Orient ne risque l'élimination, c'est un problème routinier dans la région. Cela indique que le statut incertain d'Israël n'est pas prêt d'être résolu. Cela jette également une lumière crue sur l'aspect exceptionnellement cruel, instable et mortel de la vie politique au Moyen-Orient – la région est de toute évidence le pire voisinage de la planète. Israel y est le bon élève à lunettes qui tente de réussir à l'école en vivant dans le quartier de la ville le plus infesté par la criminalité.

La profondeur et l'étendue de la maladie politique moyen-orientale révèle bien combien il est faux de considérer le conflit israélo-arabe comme le moteur des troubles de la région. Il est autrement plus juste de considérer la situation désespérée d'Israël comme le résultat de la politique vénéneuse de la région. Faire porter à Israël la responsabilité de l'autocratie, du radicalisme et de la violence du Moyen-Orient équivaut à reprocher à l'élève studieux d'être à l'origine de la criminalité du quartier. De même, résoudre le conflit israélo-arabe n'apporterait de solution qu'à ce problème particulier, pas à ceux de la région entière.

Tous les membres de ce quintette menacé risquent bel et bien l'anéantissement, mais les problèmes d'Israël sont les plus complexes. L'État juif a survécu à d'innombrables périls mortels au cours des six dernières décennies et il l'a fait en gardant son honneur intact. Sa population a donc de bonnes raisons de célébrer. Mais les réjouissances ne pourront pas durer, le pays devra aussitôt retourner aux barricades pour contrer la prochaine menace.

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