The Daily Star
C’est hors des frontières du Liban que résidait la vérité de l’instant : l’Arabie Saoudite et l’Iran s’efforcent actuellement de trouver une solution à la crise libanaise. Il y a quelques jours, Ali Larijani [secrétaire général du Conseil suprême de la sécurité nationale iranien] s’est rendu à Damas pour connaître l’opinion de la Syrie sur un projet d’accord. Les Syriens ont posé plusieurs conditions : que la cour chargée de juger l’assassinat de Rafic Hariri [ancien Premier ministre libanais] ne soit établie qu’une fois bouclée l’enquête des Nations unies, ce qui donnerait à l’opposition le temps d’obtenir un droit de veto au sein du gouvernement. Et que la nomination de ce tribunal soit également soumise à l’approbation du nouveau gouvernement, ce qui, en fait, permettrait aux alliés de la Syrie soit de bloquer l’institution, soit de la vider de sa substance. Les Saoudiens ont dit non, et Hassan Nasrallah, le secrétaire général du Hezbollah, a riposté en faisant descendre ses partisans dans la rue.
Mais, dès la soirée du 23 janvier, les rôles étaient inversés. Le Hezbollah avait coupé la plupart des axes routiers entre les secteurs est et ouest de Beyrouth, ainsi que la route menant à l’aéroport. Ces actions témoignent d’une incroyable irresponsabilité. Non seulement le Parti de Dieu a renvoyé le Liban aux années de guerre, mais les sunnites de Beyrouth y ont vu comme l’intention de les enfermer dans Beyrouth-Ouest [à majorité musulmane].
Conscient qu’une confrontation directe entre sunnites et chiites était une ligne rouge que l’Iran se refusait à franchir, le Hezbollah a fait marche arrière.
Depuis six mois, le Hezbollah est en perte de vitesse. Au Sud-Liban, il a été neutralisé – pour le moment, du moins. Sa réputation est en lambeaux dans le monde arabe, où il est vu comme un suppôt de l’Iran. Et, sur le plan intérieur, le Hezbollah est plus que jamais considéré comme une menace pour la coexistence nationale et pour la paix civile. Rares sont les Libanais qui pensent que l’insistance que met le Hezbollah à participer au processus politique signifie qu’il ne représente pas des intérêts étrangers. Du reste, plus un seul rival politique de Nasrallah ne lui fait confiance.
Il faut également parler de Michel Aoun [général chrétien libanais allié au Hezbollah], grand perdant des manifestations du 23 janvier. Jusqu’alors, le général pouvait compter sur le soutien de nombreux indécis dans les rangs chrétiens. Mais la polarisation qu’il a provoquée en imposant une grève à tous a poussé beaucoup de ses coreligionnaires à se détourner de lui. Ce mois de janvier restera peut-être comme la date du naufrage d’Aoun. Le général aurait réussi à crisper même le patriarche maronite Sfeir, connu pour sa prudence.
A Paris, le Liban a reçu un soutien plus que nécessaire de la part de la communauté internationale. C’est une bonne nouvelle, mais ce n’est pas pour autant que la situation va s’améliorer dans l’immédiat. Jour après jour, Nasrallah confirme que ses tactiques sont plus aptes à porter tort au pays qu’à l’aider, pendant qu’Aoun brigue une présidence [de la République] qui lui échappera toujours. Mais, si nous avons de la chance, le système libanais de compromis intercommunautaire finira par l’emporter sur ce tandem irresponsable qui, à sa façon bien particulière, semble incapable d’en saisir les règles essentielles.